"NON !! LAISSE-MOI TRANQUILLE !!" cria le Compte Lordhart depuis son lit.

Une étrange forme survolait le lit à baldaquin aux rideaux bordeaux, puis la chambre avant de partir. Tendu, le Compte souffla un instant avant de se lever.

"Monsieur ! Vous allez bien ?" demanda la bonne.

Enfilant un peignoir, il rassura la bonne, visiblement inquiète pour son maître, avant de la suivre jusqu'au petit salon pour prendre le petit déjeuné.

"Bonjour Mesdemoiselles, comment allez-vous aujourd'hui ?" demanda le Compte, attablé avec toutes les bonnes de la maison.

C'était une de ses lubies, manger avec ses domestiques. Sa richesse ne lui posait pas problème, il avait été élevé dans une autre optique que celle de sa condition. Il préférait être proche des gens, les écouter, c'était meilleur pour les relations.

"Ce soir, c'est le grand soir, la soirée Speed Dating aura lieu. J'espère que tout sera prêt." dit-il en souriant.

Toutes lui assurèrent que le manoir serai prêt avant la fin de l'après midi, les tables, le décors, le buffet. Ce que les convives ne savaient pas, c'est qu'après la soirée aurait lieu un bal, pour que les gens qui n'avaient pas pu faire connaissance puissent se parler un peu.

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Dix-huit heures sonnaient à la grande horloge, et les premiers convives allaient arriver. Les longues tables avaient été dressé, nappés de blanc et de mets plus exquis les uns que les autres. Des décorations tombaient du plafond et des balustrades, bien que le fantôme était venu perturber les préparatifs.
Vêtu de son costume noir, le Compte arborait fièrement ses médailles, gagnées il y a longtemps. Ses cheveux grisonnants gominés et ramenés en arrière, surmonté d'un haut de forme.
Le compte se tenait prêt, près de la grande porte, il tenait à accueillir lui-même tous ses invités. Une première voiture s'arrêta sur le bord du perron. Une homme et une femme en descendirent, mais l'obscurité empêchait le Compte de les distinguer clairement, ce qui ne l'empêcha pas de les saluer.

"Bonsoir ! Entrez, la fraîcheur gagne le jardin, vous serez mieux à l'intérieur !" dit-il en s'inclinant poliment devant ces deux personnes.

Les nouvelles rencontres avaient toujours été une source d'inspiration pour Rufus. Chaque personne avait de quoi lui alimenter son imagination poétique. Lorsqu'il avait reçu ce carton d'invitation, Rufus avait dans un premier temps hésité, puis avait finalement décidé de s'y rendre. C'est également une bonne occasion pour faire rayonner une fois de plus l'emblème de Sabertooth. Le poète lyrique c'était mis sur son trente et un. Un costume de haute couture, blanc aux contours noirs, des mocassins et son fameux foulard de couleur uniforme qui venait remplacer la cravate. En effet, Rufus ne se séparait jamais de son foulard, c'était comme une partie de lui-même. Il avait tout de même fait l'effort de retirer son masque autour des yeux, car c'est plus agréable, lors d'une soirée de ce genre, de voir la totalité du visage de la personne à qui l'on s'adresse. Son chapeau allait l'accompagner jusqu'au manoir, il avait prévu de le délaisser au même moment que sa veste. Sous son costume, Rufus avait mis une chemise blanche, encore une fois. Il aimait en effet cette couleur, pour lui c'était symbole de paix, de beauté, d'inspiration et de poésie.

L'heure du départ approchait. Rufus fignola rapidement les derniers petits détails et sortit du QG de Sabertooth. Le soleil était à son zénith et le vent faisait flotter le plumage du chapeau du poète, tel un drapeau au sommet d'un bateau. La carriole qui l'attendait semblait s'impatienter. Rufus mis la main sur son chapeau, comme pour l'empêcher de s'envoler, puis il grimpa avec souplesse à l'intérieur de la voiture. Aussitôt, le chauffeur tira sur les cordes pour faire avancer les deux chevaux, ils s'exécutèrent vivement. Le poète lyrique passa une grande partie son voyage entier à observer le paysage. De Fiore à Bosco, il y avait une distance relativement longue, ainsi la verdure changeait et l'horizon se modifiait. Cela lui plaisait beaucoup, même de trop. Il en avait profité pour écrire une poésie. Après quoi, comme il lui restait encore un peu de temps, il ferma les rideaux de la carriole, afin d'empêcher les rayons du soleil de frapper son visage, puis il s'endormi.

C'était la voix du chauffeur qui venait de le réveiller. Ce petit somme lui avait fait du bien et il était désormais dans une forme athlétique ─Ou plutôt poétique─ pour affronter le Speed Dating. La grande soirée était sur le point de commencer. Il descendit alors de la voiture et vit là, à quelques pas de lui, celle qui allait être sa partenaire. Elle se prénommait Ultear. Rufus n'avait pas envie de jouer les grands poètes ou de mettre tout de suite son pouvoir de séduction en avant, il préférait attendre de mieux connaitre sa compagne. Ainsi, il s'avança vers elle, lui fit tout de même une salutation des plus distinguées :

«Je suis Rufus Lohr, de Sabertooth, c'est un grand bonheur de vous rencontrer, Dame Ultear.» Dit-il d'une sage voix, le tout accompagné d'une humble révérence. Il tira par ailleurs son chapeau, puis le remit.

Ils se dirigèrent ensuite d'un pas synchronisé en direction du manoir. Une fine brume s'était installée sur la verdure des grands jardins du compte. Rufus avait l'impression que l'air cristallin allait se briser en mille éclats, mais c'était certainement son côté poète qui lui faisait penser cela. Les oiseaux aux sommets des arbres chantaient à pleine gorge, c'était comme si la nature l'encourageait, ou qu'elle tentait de le prévenir de quelque chose. Rufus garda cela dans un coin de sa tête. Ils montèrent les marches, côte à côte, et arrivèrent sur le palier de l'entrée, là où un homme les attendait.

«Bonsoir ! Entrez, la fraîcheur gagne le jardin, vous serez mieux à l'intérieur !» leur dit-il en s'inclinant poliment.

Les deux partenaires acquiescèrent et pénétrèrent à l'intérieur du bâtiment qui allait être leur nid pour la soirée. Rufus pu voir de longues tables nappées de blanc, ce qui lui plaisait beaucoup, ainsi que de grandes décorations qui tombaient du sommet des fondations, de quoi donner le vertige. Une femme à la démarche très droite s'approcha d'eux :

«Soyez les bienvenues ! Permettez-moi de vous dévêtir.» Leur dit-elle avec une politesse des plus nobles.

Rufus délaissa alors sa veste ainsi que son chapeau. On pouvait désormais admirer sa longue chevelure dorée qui brillait au contact des rayons lumineux, et son costume blanc qui respirait la fraicheur et la bonté. Rufus observa les bougies qui avaient été installées. L'espace d'un temps, cela lui rappela sa jeune enfance : nombreux avaient été les moments où il écrivait sous la lueur d'une bougie. Rufus secoua brièvement la tête comme pour en faire sortir ces images, ce n'était pas le moment d'être nostalgique.

Doté d'une grande aisance, le poète lyrique de la lune pourpre n'émettait aucun signe de stress, pas la moindre palpitation.